Le nouvel âge d'or des jouets Jurassic Park
En 2018, le fabricant de jouets Mattel rafflait la licence Jurassic Park à son concurrent Hasbro qui en disposait depuis 1993 (via sa filiale Kenner). Passées les blagues sur l'éventualité d'une Barbie Claire Dearing et son Ken Owen Grady, les aperçus de la première gamme dérivée de Fallen Kingdom mirent tout le monde d'accord : les jouets de la licence Jurassic retrouvaient leur gloire d'antan et le coeur des vieux fans.
Toy Collection
On a tous dans le coeur une figurine oubliée, un Alan Grant et son filet aérien, un stégosaure Dino-Damage, voire un T.rex électronique (meilleur que le Thrasher du Monde Perdu, il n'y a pas de débat) ou même le Graal hors de prix que représentait un véhicule. Pour tous les trente-cinquenaires d'aujourd'hui les jouets Kenner Jurassic Park font partie de la légende. Robustes, colorés, disposant d'accessoires mécanisés, ils fleurent bon les années 90 et peu importe que Dennis Nedry comme Alan Grant soient bodybuildés, à défaut de ressemblance la qualité plastique est là, le plaisir de jeu aussi.
Les deux séries Jurassic Park et les deux suivantes pour le Monde Perdu resteront les chefs-d'oeuvre du fabricant de jouet. La suite ne sera qu'une lente dégradation de la qualité et de la jouabilité, doublées parfois d'un certain mauvais goût.
En 2015 sort la dernière collection sous bannière Hasbro, forcément dédiée à Jurassic World. Sa réception est calquée sur celle du film, les fanboys adorent, les haters détestent, et probablement que les gosses s'amusent comme nous il y a 30 ans. Avec le recul, à quelques modèles prêt, l'éparpillement des différentes gammes de jouets a eu raison de la qualité et du contrat de Hasbro.
Mais l'essentiel n'est pas là. Ces jouets Jurassic World pourraient tout aussi bien être de bonne qualité qu'ils resteraient des jouets Jurassic World. On n'étonnera personne en disant qu'on a passé l'âge de les acheter pour jouer, et ceux-là n'ont pas l'aura pour être exposés en 2015 sur l'étagère-mausolée de notre enfance partie trop vite.
Jusqu'en 2018, on n'avait pour garnir cette étagère que nos braves jouets Kenner de 30 ans d'âge, plein de souvenirs mais pas forcément jolis à regarder, ou les statuettes Chronicle Collectibles et Iron Studios, dont le prix n'est abordable que pour quelques rares privilégiés. Il y avait donc un marché à prendre, un marché de vieux fans adultes plus intéressés par des jouets JP de bonne qualité que par des sculptures très haut de gamme.
Les premières boites à l'effigie des personnages principaux du film fondateur sont mises en vente en mars 2018 sous la marque "Jurassic World Legacy Collection" (l'absence de la mention Jurassic Park ne manque pas de faire grincer quelques dents). La taille de 3.75 pouces déçoit, la finition laisse à désirer et la composition des boîtes pose question : un mini Alan Grant armé d'un pistolet face à un compsognathus difforme, qui voudrait d'un truc pareil ?
Quelques mois plus tard un John Hammond est proposé en exclusivité pour les visiteurs du Comic Con 2019, enveloppé dans un sur-packaging aux couleurs de la trilogie des années 90. Malgré la qualité de la figurine qui reste très moyenne, le choix du Comic Con comme vitrine confirme que le coeur de cible de la Legacy Collection est bien les vieux geeks.
Une position définitivement affirmée avec l'arrivée de l'émission Beyond The Gates sur la chaine Youtube officielle de Jurassic World, dont chaque épisode présente un jouet de la game Legacy en partenariat avec Mattel. Pour se démarquer de la simple réclame elle fait intervenir les concepteurs des jouets qui clament leur volonté de faire honneur à une licence phare de leur enfance. Surtout, à la présentation Universal a propulsé Chris Pugh, l'un des fondateurs du site de fans Jurassic Outpost, qui met toute sa bonhommie à nous vanter la qualité des jouets de la licence. Et comment ne pas faire confiance à ce bon vieux Chris, le meilleur d'entre nous, lui qui il y a quelques années à peine nous régalait de scoops, partageait nos inquiétudes et nos réflexions sur les rumeurs de tournage de Jurassic World.
Désormais fixée sur sa cible la Legacy Collection va progressivement gagner en qualité, jusqu'à intégrer dans son line-up une boite "L'évasion du T.rex" qui à n'en pas douter deviendra légendaire.
En parallèle Mattel hausse encore le niveau en lançant la Amber Collection l'année suivante. L'échelle de 6.5 pouces permet de sculpter et peindre des figurines plus détaillées et cela se ressent sur la Amber Collection. La netteté des traits, le plus grand nombre d'articulations et la possibilité de changer la tête et les membres (des personnages) pour varier les poses, en font la gamme idéale à exposer ou à prendre en photo.
Après quelques errements Mattel a donc trouvé la niche parfaite pour ses produits Jurassic Park, celle du jouet haut de gamme décoratif. Les toy-photographers font des merveilles en attendant la prochaine gamme de jouets, la Hammond Collection.
Pour 1000 briques t'as plus rien
Mattel n'est pas le seul fabricant à avoir cherché la bonne formule avec Jurassic Park.
Lego lui aussi a longtemps rongé son frein en attendant que la licence Jurassic sur les jeux de construction tombe des mains de Hasbro (encore eux, via la filiale Kre-O), qui n'en faisait rien. En 2014 c'est chose faite et les premiers sets ne manquent pas d'apparaître, aux couleurs de Jurassic World. Mais cette fois l'enthousiasme n'y est pas, les boites proposées sont minimalistes, peu inspirés et présentent peu d'intérêt de construction. La comparaison avec les gammes Star Wars ou Harry Potter est douloureuse, le rapport qualité prix aussi.
Un des responsable de la gamme Lego Jurassic World explique au site HelloBricks que le prix de vente de chaque set d'une gamme est défini avant même de savoir ce qu'il y aura dedans. Puis à partir de la description de quelques scènes clés du film, les designers imaginent comment répartir les différents éléments dans chaque boite en fonction des prix prédéfinis. Universal valide la répartition en s'assurant uniquement que les personnages et dinosaures sont correctement mis en valeur. Enfin chaque set est conçu dans le détail par Lego en privilégiant des critères de jouabilité pour un public jeune : les possibilités d'interaction, les éléments amovibles et les mécanismes, à commencer par les roues. Sur ce point Universal laisse le champ libre au fabricant de jouet.
On sent le "toy doctor" un peu désolé de ce qu'il raconte mais l'explication est là, si les sets Jurassic World sont ce qu'ils sont c'est parce que la licence cible exclusivement les enfants, y compris pour ses plus gros sets, ce qui implique un challenge de construction limité et une fidélité toute relative aux scènes des films : pas exactement ce que recherche le fan adulte.
Alors pour cibler les vieux geeks Lego a un autre plan : Jurassic Park.
Si "Velociraptor Chase", le premier set directement inspiré du film fondateur, pourrait avoir été conçu selon les mêmes principes de jouabilité et d'interactivité, il se démarque par la minutie apportée aux détails et aux accessoires. Relativement simple à construire il est pourtant affectée à une tranche d'âge supérieure à la moyenne de la gamme. Surtout, constitué de 3 décors distincts séparés par 2 murs il semble avoir du mal à trouver son concept : mi-jouet, mi-diorama, et re-mi-jouet de l'autre côté. Le fait qu'il soit estampillé World plutôt que Park achève de caractériser ce set hybride.
Les dernières boites en date s'adressent, elles, définitivement à un autre public. Dans le livret qui accompagne le monumental set "Le carnage du Tyrannosaure", le designer explique qu'en travaillant sur la gamme Fallen Kingdom il a trouvé dans le coin le plus sombre de son open-space un prototype de T.rex géant en briques et s'est mis en tête d'en faire un vrai set pour le proposer à Universal. L'histoire est probablement fausse, ce set a de toute évidence été plagié sur un projet de fan souscrit quelques années auparavant sur la plate-forme Lego Ideas et officiellement rejeté par le fabricant danois. Mais dans les deux versions de l'histoire la proposition est spontanée, non issue d'un processus de conception formalisé.
Ce n'est d'ailleurs pas un jouet, malgré un mécanisme permettant d'ouvrir la porte, les différents éléments qui composent le set ne sont pas à la même échelle et chacun d'entre eux est prévu pour prendre sa meilleur pose sur une étagère. Constitué de plus de 3000 pièces, pour un prix de 250€ il se positionne en très haut de gamme.
La troisième boite Jurassic Park est tombée en rupture de stock mondiale quelques heures après sa mise en vente, prouvant que ce genre de produit a trouvé son public en ciblant les vieux fans ayant quelques économies. Mais si pour le set précédent on n'avait que très peu à redire sur le rapport qualité-prix, celui-ci fait grincer des dents quant à la faiblesse de sa conception. Siégeant sur un plateau noir, orné d'un cartel citant Ian Malcolm, "L'évasion du T.rex" se donne des airs de diorama à admirer mais mieux vaut ne pas le regarder de trop près.
Generation Jurassic Toys
Le 28 avril 2022 avait lieu au parc Universal de Los Angeles un événement pour les fans de Jurassic Park. Le nom choisi pour cette convention : "Generation Jurassic". A cette annonce, quelques voix s'étaient élevées dans la communauté contre la localisation de l'événement, son accès limité et, plus surprenant, sa dénomination. Pourquoi nommer "Generation Jurassic" une convention qui, si on lisait entre les lignes, n'allait être qu'une foire aux jouets organisée pour les marques Mattel, Funko et Target. A qui cet événement était-il destiné ?
Pour l'anecdote, deux fans résidant en Floride entreprirent d'organiser un contre-événement baptisé "Dinosaurs are Universal" dans le parc d'Orlando. Il est amusant de constater qu'à travers les noms choisis pour ces deux événements résonne un débat que l'on avait eu en podcast il y a quelques années : notre passion pour Jurassic Park est-elle un phénomène générationnel, ou la déclinaison moderne d'une fascination universelle pour les dinosaures ?
Mais les organisateurs de "Generation Jurassic" avaient probablement vu juste. S'il existe une "Génération Jurassic Park" c'est bien celle qui dispose à la fois de la nostalgie et du porte-feuille lui permettant d'acheter des jouets pour se perdre dans leur contemplation. L'événement fut, comme attendu, une vitrine pour les fabricants. A l'animation on retrouvait Chris Pugh, l'ex-fan devenu VRP pour Mattel, et l'invitée surprise DeWanda Wise, interprète de Kayla dans Jurassic World Dominion. L'actrice convoqua tout son talent pour s'émouvoir à la vue de la figurine de son personnage et les fans présents louèrent son attachement inné à la saga. Plus tard ils quittèrent le parc d'Hollywood les yeux pleins d'étoiles de leur enfance retrouvée, rappelés seulement à la réalité de leur âge par les bombes de mousse à raser Barbasol Jurassic World Limited Edition qui s'étaient judicieusement incrustées à l'événement.
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La carte d'Isla Sorna dans le jeu Trespasser est celle de la vraie île costa-ricaine Isla del Coco.